LÉGENDES DE LA RÉPUBLIQUE LIBRE DU FRIOUL

LA PLOTTE-RESILLE
Petit mammifère amphibie au pelage velouté, sa robe peut être soit rayée soit à damier, plus rarement prince-de-galles, et seulement dans certaines régions du nord de l'Angleterre, mais présente alors une particularité disgracieuse dans l'implantation des oreilles . Il est à noter que la Plotte-résille est dotée de deux mains qui contrairement aux singes possède des pouces opposables à chaque doigt. Ses pieds palmés ne lui servent à marcher que pour singer son maître, la dérision étant l'un de ses plus grand plaisir. Sinon elle se déplace en lévitation et quand il y a du vent elle marche sur les mains histoire de voir les choses différemment . Mais elle préfère de toutes façons s'installer confortablement sur la tête de son maître en prenant une apparence de chapeau, variant les formes avec un à-propos cocasse et sans que la victime ne s'en aperçoive.

La Plotte-résille se nourrit elle-même uniquement de plaisir et d'eau de mer. Elle est saisie très souvent de fou-rires incoercibles. Chaque fou-rire la nourrit pour trois heures mais la Plotte-résille est trés gourmande, elle rit beaucoup plus souvent que nécessaire, elle grossit et grandit alors démesurément. Il faut ici lui faire boire une bonne quantité d'eau de mer, elle évacue lors de la miction la nourriture excédentaire et reprend sa taille normale.

Si on ne lui demande rien, elle offre à son maître divers services :

- C'est un véritable baromètre, et peu prévoir la météo avec plusieurs semaines d'avance son pelage variant de teintes avec le degré d'hygrométrie. Elle chante tous les matins en s'éveillant un bulletin météo particulièrement fiable.

- Elle peut baisser ou élever sa température de 0° à 40°c, s'étendre en couverture, et soupirer voluptueusement dans l'oreille de son maître pour lui témoigner son affection.

- A l'aide de sa queue d'une structure moléculaire très conductrice, elle capte toutes sortes de fréquences y compris télépathiques, qu'elle peut interpréter et retransmettre par un chant mélodique qui trouve une résonance chez son maître.

- Elle peut également provoquer des coïncidences, créant ainsi un phénomène de synchronicité au seul bénéfice de son maître.

- La Plotte-résille tire son nom de son grand plaisir à se faire pelotter. Elle se met à grésiller sur plusieurs fréquences simultanées, un peu à la manière des moines tibétains ("M" nasonné) : on dit alors que la Plotte résille



LA FRÉGATE HOLONEF
La journée avait été particulièrement pénible. Léopold était rentré fatigué dans son module.
Il avait envie de changer de vie, envie de voyage, de soleil, de vent, d'aventure...
Léopold s'était installé douillettement dans son lit lévitant , un caprice qu'il s'était offert la semaine précédente. Il aimait que le lit se tourna à sa place et à sa convenance, ainsi son sommeil et ses rêves ne souffraient d'aucun parasitage auto-induit.
Léopold glissa dans la torpeur... Il était entre deux eaux depuis quelques instants...
Lorsque la Frégate apparut :
C'était un bâtiment en bois de ceconveux . C'est à dire que sa réalité vibratoire était proportionnelle à l'intensité émotionnelle que Léopold donnait à son rêve. Holonef agissait comme un catalyseur d'énergie onirique, donnant les applications d'un futur prospectif aléatoire aux événements ainsi générés. C'était une Frégate furtive, destinée au transport de fonds insondables conditionnés en pots-de-vin , activité éveillant les convoitises, surtout pendant la grande guerre hémorragique.
Le capitaine, dont l' âge devait rester classé "secret défense", avait pour mission de livrer les pots-de-vin, mais en cas de problème le département d'état nierait avoir eu connaissance de ses agissements.
Holonef était un fier navire ! Enfin, l'équipage était fier de son navire, car un bateau n'est jamais idiot au point de tirer une fierté d'être ce qu'il est.
Mais quand même !... Holonef, comme toutes les Frégates, avait trois mâts. Ce qui, vous en conviendrez, est mieux qu'un seul ou même deux !
"Un homme à la mer !". Le Capitaine fit manoeuvrer le bâtiment, repêcha Léopold, qui fût réconforté, questionné, puis soupçonné, absous enfin. Cet intermède trompa la vigilance de l'équipage, qui se laissa surprendre par la première bordée de jurons partie d'un bateau pirate qui s'était furtivement approché en contournant l'îlot Tiboulen...
Abordage. Léopold peu concerné par les événements, sinon par sa trouille d'autant plus intense qu'elle procédait d'une activité cauchemardesque, sauta subrepticement du navire.
Le bateau coula de source... Léopold prit pied sur les rochers, prisonnier d'un univers géostatique... Et ça fait toute une histoire!



LEOCADIE
Léocadie avait grandit dans les Alpages où elle gardait les vaches de la ferme familiale.
Le domaine était prospère et produisait suffisamment pour assurer à chacun confort et sécurité. Les voyages n'étant pas compris dans les contrats confort et sécurité à l'époque, Léocadie voyageait en rêve, consciencieuse, elle amenait avec elle ses vaches qui devenaient pour l'occasion, moutons, pinces à linge ou papillons...
La douceur du soleil de mai, la caresse de la brise du large, le vol du Gabian, configurèrent plus précisément son interface ondulatoire .
Une frégate remplie de marins fiers de leur navire, était aux prises avec un bateau plein de pirates et fiers de l'être. De là où elle se cachait elle vit un marin se hisser lestement sur le rocher qui la dissimulait. Elle partit en courant et en le regrettant...Léopold était joli garçon.
Il voulait sortir au plus vite de son cauchemar pour passer à autre chose, ce fût un jeu d'enfant pour Léocadie de se laisser rejoindre.
Le site intermythé s'était activé de façon oscillatoire, équilibrant un univers géostatique verrouillé et stable pour autant et aussi longtemps qu'ils y croyaient.
En d'autres termes, pour ceux à qui cela ne serait jamais arrivé : Léopold et Léocadie ont envie d'un petit câlin, et de préférence ensemble.
Ils sont donc irrésistiblement attirés l'un vers l'autre et inversement, ça leur fiche le vertige, Léopold se retient à Léocadie qui tient déjà à lui, ils trébuchent, tombent en se faisant un tout petit peu mal et perdent leurs repères en criant très fort.
Léopold ne pense plus à rien d'autre que ce qu'il est en train de faire, la frégate disparaît... les pirates bien emmerdés vont se soûler pour oublier.
Léocadie trouve ça très chouette aussi, les moutons sont moins lourds que les vaches, Léopold à de beaux yeux, elle se figure qu'il la regarde et elle a bien raison, elle est ici plus qu'ailleurs. Syllogisme binaire , pourquoi ne pas rester là?.
Ils sont ancrés dans la séquence onirique par l'intensité de l'émotion et le plaisir qu'ils partagent.
Une limite spatio-vibratoire se met en place, ils sont prisonniers de leur propre volonté de rester ensemble, leur univers géostatique se verrouille pour autant et aussi longtemps qu'ils y croient.



THEODULE
Théodule avait ceci de particulier qu'il était le fils de sa mère qui lui était particulière aussi, puisqu'il était son seul enfant. Inutile de préciser qu'étant fils unique il n'avait pas de soeur...
Enfin, c'était ce que pensaient ses parents. Il se trouve qu'il plaisait à Théodule d'avoir une soeur et un ballon. Pourquoi une sœur, me direz vous, puisqu'un ballon peut aussi bien recevoir des coups de pied. Mais entre nous, je suppose qu'il voulait une soeur pour ne pas lui prêter son ballon. En fait il avait une soeur seulement quand il jouait au ballon, elle le regardait en râlant, figurez-vous! et lui, bien sûr, se figurait où elle le regardait.
Théodule ne présenta jamais sa soeur a ses parents, ainsi elle n'avait personne à qui se plaindre. Il maîtrisait donc le site intermythé dans sa propre réalité alternative. Excellent exutoire à l'autorité parentale. N'étant par conséquent pas fils unique, l'enfance se déplia sans histoire, de plus ses parents maîtrisaient bien l'évolution panoramique de son éducation. L'adolescence posa quelques problèmes sans véritable importance. Sinon que chaque matin il se réveillait en été même si ses parents avaient choisi une autre saison. Les affrioulantes naïades sur les rochers polarisaient son attention. Papa et maman, compréhensifs, lui laissaient tout loisir de découvrir l'anatomie frissonnante . L'ananas n'est pas défini comme fruit défendu dans le protocole propiciatoire des grands ancêtres. Nous en conclurons donc que le plaisir est fort utile pour vivre bien.
Aussi, quand Théodule rencontra Prise, il ne fut pas handicapé dans l'approche de la surdité de sa partenaire. Il trouva instinctivement le langage des gestes adapté à ses desseins Brunis par le soleil ...évidemment !
Cette rencontre fait naître une grande confusion dans son esprit, une grande confusion naît dans la rencontre, ils perdent subitement leurs repères, éprouvent un rare vertige...
Il lui glisse :
- tu es prise !
- commeeeent ?
Mais Théodule n'en a cure. Du revers de l'ongle il lui écrit dans le dos; elle comprend. Elle se laisse haler dans l'eau par Théodule qui assure sa prise et la baptise ainsi...doublement !...



LEOPOLD
Léopold doit son existence à un enchaînement de hasard dont le premier fut l'apparition de la vie dans son univers, le dernier la rencontre improbable entre un ovule timide qui s'était caché dans une plicature matricielle et un spermatozoïde maladroit qui s'y était coincé la flagelle.
Ses parents s'étaient rencontrés de façon fortuite en l'année panoramique A', sous l'arborescence du grand démodulateur . Leur relation s'initialisa par reconnaissance de caractères. Après un scanning rapide, leur compatibilité s'avérait optimale et promettait de maximiser leur configuration d'aptitude au bonheur .
Léopold eut une enfance heureuse, ses parents lui ouvrirent une voie d'accès au libre arbitre. Il y développa ses synapses et à vingt ans il avait mis à jour une grande somme de connaissances transdisciplinaires. C'est ainsi que Léopold s'employa à définir de façon plus vaste l'univers géostatique qu'il occupait.
Ne trouvant rien de nouveau qu'il puisse offrir à ses cinq sens, il choisit d'aller voir ailleurs. Il comprit bien vite que ses sens gênaient la perception de son univers intérieur. Il se pencha donc sur lui-même, ce qui requiert une grande souplesse d'esprit. Léopold n'était pas très entraîné, cet effort inconsidéré lui provoqua une luxation encéphalique sévère, aggravée d'un déchirement profond qui le fit pleurer en appelant sa mère très fort et plusieurs fois... Le pauvre ! Cette lésion cérébrale, pour grave qu'elle soit, n'est ni mortelle ni incurable. Elle permit néanmoins à Léopold de recevoir directement l'information en provenance de la noosphère transdimensionnelle.
C'est ainsi que le hasard fit de Léopold un rêveur lucide , lui ouvrant ainsi un chemin d'accès vers une appréhension psychosensorielle de nouveaux univers géostatiques . Il y définissait des axiomes physiques arbitraires ou aléatoires grâce à son libre arbitre avec lequel il entretenait une relation fondée sur la confiance réciproque et le partage des responsabilités.
Léopold expérimenta de nombreuses mésaventures oniriques mais sans conséquence fâcheuse puisqu'il savait qu'il rêvait. En fait, le pire qu'il lui arriva fut de décider une stabilisation psychomatérielle dans une réalité alternative et délicieuse.

Patrick LLobet - Ministre de la Farce de Froppe